Vendre sa compagnie

Quelle est la valeur de votre entreprise ?

Multiple du BAIIA, flux de trésorerie actualisés, valeur comptable, analyse des multiples comparables. Quelle méthode d'évaluation est la plus appropriée pour déterminer la valeur de votre entreprise ?

Les marchés financiers ont leur propre façon d’évaluer une entreprise et, une compréhension générale des méthodes utilisées, est essentielle pour les entrepreneurs envisageant la vente de leur entreprise. En évaluant correctement son entreprise, un entrepreneur pourra se permettre d’attendre LA proposition juste et raisonnable.

Les quatre méthodes habituellement utilisées pour évaluer une entreprise sont: (i) le multiple des bénéfices ; (ii) la valeur comptable ; (iii) l’actualisation des flux de trésorerie et (iv) les indicateurs de transactions comparables. Chacune de ces méthodes peut être justifiée et, lorsque utilisées et considérées conjointement, celles-ci peuvent appuyer solidement la valeur recherchée pour la compagnie.

La méthode du multiple des bénéfices

La méthode du multiple des bénéfices est probablement la méthode la plus utilisée pour négocier le prix d’une corporation privée. Cette méthode permet d’établir une valeur d’entreprise à l’aide d’un multiple de BAIIA ou, EBITDA en anglais.

La valeur d’entreprise correspond à la valeur globale de la corporation en assumant qu’elle soit achetée libre de toutes dettes mais, en tenant compte des comptes fournisseurs. Le BAIIA est l’acronyme pour bénéfice avant les dépenses d’intérêt, d’impôt et d’amortissement. La popularité de cette méthode réside dans le fait qu’il est plus facile de comparer deux entreprises entre elles car elle élimine les considérations reliées à la structure de financement, les particularités fiscales et les éléments non monétaires propres à chaque entreprise. Grosso modo, le BAIIA représente les flux de trésorerie générés par les opérations courantes de la corporation (sans tenir compte des investissements en immobilisations, dont nous parlerons plus loin).

Les multiples utilisés par le marché pour établir la valeur d’entreprise de corporations canadiennes oeuvrant dans les secteurs traditionnels se situent dans la fourchette de 5 à 7 fois le BAIIA. Des particularités propres à chaque entreprise feront varier le multiple. L’utilisation du BAIIA doit toutefois reposer sur la capacité réelle de rentabilité de l’entreprise et, c’est pour cette raison qu’on utilisera fréquemment un BAIIA ajusté. Le BAIIA sera notamment ajusté pour tenir compte d’éléments non susceptibles de se répéter et pourra exclure les rémunérations excessives. Il faut également considérer les tendances, la stabilité et la prévisibilité des bénéfices. Ceci constitue souvent un défi dans les cas d’entreprises connaissant une forte croissance et pour des corporations ayant connu d’importantes fluctuations des bénéfices ou ayant encouru des pertes au cours des années qui précèdent l’évaluation. De façon générale, on attribuera plus d’importance au BAIIA récent dans le calcul de la valeur d’entreprise.

Comme beaucoup de transactions sont des transactions d’actions, une fois la valeur d’entreprise établie, pour obtenir la valeur des actions de la corporation, on déduira les dettes portant intérêt (emprunts bancaires, emprunts à terme, contrats de location à terme, etc.) et on ajoutera les surplus d’encaisse non requis pour l’exploitation de l’entreprise.

L’exemple qui suit permet de mieux comprendre la méthode. En assumant que la corporation dont le bilan est détaillé ci-dessous, génère un BAIIA ajusté de 4 millions par année, en utilisant un multiple de 5, nous aurions une valeur d’entreprise de 20 millions. En soustrayant les dettes portant intérêt qui totalisent 4 millions, nous obtenons une valeur pour les actions de la corporation de 16 millions.

La valeur comptable

La valeur comptable constitue une autre méthode d’évaluation, elle est toutefois peu utilisée car elle ne tient pas compte de la capacité de génération de bénéfices de l’entreprise. En effet, une corporation peut avoir accumulé des bénéfices non répartis et avoir une valeur comptable élevée alors que depuis quelques années elle subit des pertes.

La valeur comptable est surtout utilisée pour valider la valeur calculée selon une autre méthode. Habituellement, le prix d’achat d’une corporation œuvrant dans un secteur traditionnel n’excédera pas 2 ou 3 fois sa valeur comptable et, plus le multiple sera élevé, plus un achalandage important aura été attribué à la corporation.

Dans l’exemple précédent, le prix d’achat de 16 millions représenterait 2,7 fois la valeur comptable des actions. La différence de 10 millions entre le prix d’achat et la valeur comptable de 6 millions constituerait alors l’achalandage attribué par l’acheteur. Dans le cas d’entreprises affichant une rentabilité moins élevée, la valeur calculée des actions peut quelque fois être inférieure à la valeur comptable. En reprenant l’exemple avec un BAIIA ajusté de 1,5 millions plutôt que 4 millions, la valeur d’entreprise serait de 7,5 millions et la valeur des actions de 3,5 millions, soit un escompte de 2,5 millions. Cet exercice indique que, bien que la corporation ait une valeur comptable de 6 millions, elle ne génère pas suffisamment de revenus pour appuyer cette valeur.

Actualisation des flux de trésorerie

La troisième méthode fait appel aux projections des flux de trésorerie de la compagnie et prend en considération les investissements qui seront requis pour maintenir ces flux de trésorerie. Les projections de flux de trésorerie sont ensuite actualisées en utilisant un taux d’escompte approprié (taux de rendement) pour la corporation évaluée. Cette méthode est probablement la plus précise pour déterminer la valeur d’une corporation mais sa difficulté d’utilisation réside dans la justesse des flux de trésorerie anticipés. À moins que l’entreprise ait une portion significative de ses revenus appuyée par des contrats à long terme, l’acheteur accordera moins de crédibilité aux augmentations futures de revenus et basera son évaluation sur des données plus récentes, ce qui nous ramène en quelque sorte à une évaluation fondée sur la méthode du multiple de BAIIA.

Les indicateurs de transactions comparables

La dernière méthode consiste à utiliser des multiples ou des ratios d’évaluation provenant de transactions comparables récentes ou encore de valeurs boursières de compagnies publiques semblables. Un indicateur de comparaison fréquemment utilisé est le chiffre d’affaires (ex. prix égal à 1 fois les ventes). D’autres indicateurs peuvent également être considérés tel que la capacité de production, le nombre d’abonnés, etc. Comme pour la valeur comptable, les indicateurs d’entreprises comparables peuvent difficilement être considérés seuls pour établir une valeur et la prudence s’impose notamment dans l’utilisation d’indicateurs de sociétés publiques. Cette méthode servira surtout à confirmer la valeur établie par une autre méthode.

Autres considérations

Même si les méthodes d’évaluation décrites fournissent une solide base pour établir le prix d’une corporation, plusieurs autres facteurs peuvent influer sur le prix à la hausse ou à la baisse. Les facteurs pouvant influer sur le prix à la hausse comprendraient : des marges de profits élevés, des coûts de fabrication inférieurs à l’industrie, une solide équipe de gestion, des contrats à long terme et une réputation enviable dans l’industrie.

D’un autre côté, les facteurs qui pourraient influer sur le prix à la baisse seraient : une portion significative des revenus provenant de quelques clients, la connaissance de la clientèle ou de la technologie concentrée entre les mains de l’actionnaire exploitant, la réduction récente des marges et l’augmentation des coûts d’opération. Dans certains cas, même si la corporation est profitable, des tendances à la baisse pourraient entraîner un multiple inférieur à la normale.

Par ailleurs, lors du calcul de la valeur d’entreprise, l’acheteur assumera que la corporation a un niveau de fonds de roulement adéquat. En conséquence, s’il y a un excédent, il sera fréquemment exclu de la transaction. À l’inverse, toute insuffisance sera considérée par l’acheteur, qui déduira alors un montant approprié du prix d’achat autrement calculé.

La valeur d’entreprise tient compte de dépenses de capital normales pour maintenir les éléments d’actif en bon état de fonctionnement. Dans le cas où une corporation possède des éléments d’actif âgés ou désuets, l’acheteur utilisera souvent un multiple inférieur pour compenser le fait que des investissements seront requis pour remplacer les éléments d’actif désuets.

Conclusion

Comme on peut le constater, évaluer une entreprise est plus un art qu’une science. La valeur calculée selon une des méthodes décrites ne constituera pas nécessairement une valeur formelle de l’entreprise. Le marché dans lequel évolue l’entreprise doit absolument être considéré et, ultimement, la valeur d’une corporation sera toujours le prix qu’un acheteur est prêt à payer pour cette entreprise. Dans un marché composé de plusieurs acheteurs, le vendeur se trouvera en position de force par rapport à l’acheteur, alors que dans le cas contraire, c’est l’acheteur qui en profitera.

L’objectif d’une évaluation devrait être en fait de fournir au vendeur et à l’acheteur une fourchette de valeurs qui servira de base à la conclusion d’une transaction profitable aux deux parties.

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